Il est là, le français, il est là
Une riposte franco à Josée Boileau | A franco response to Josée Boileau
Le texte en anglais suis le français
Il est là, le français, il est là
Une riposte franco-ontarienne à Josée Boileau
Pour nous, qui habitons entre l’érable et le lys, c’est du déjà vu.
Si nous sommes ceux que « English Canada forgot », nous sommes également ceux dont le Québec doute. Les « dead ducks » de René Lévesque. Les « cadavres encore chauds » d’Yves Beauchemin. Les « disparus » de Denise Bombardier.
Nos sociétés perdues, noyées et assimilées, incapables de notre propre salut.
« Il est où le français, il est où ? » s’est interrogée la journaliste Josée Boileau, en quête du fait français lors de sa récente tournée dans le Rest of Canada (RoC). « En cet été d’aéroports bondés, j’ai choisi de « sauter dans mon char » pour traverser le Canada vers l’ouest, en me demandant par ailleurs jusqu’où j’allais croiser la « francophonie » canadienne… »
Notre francophonie entre guillemets. Apostrophée. Nos villes, nos communautés, nos paysages « où la présence française se fait autrement très discrète, voire inexistante », le spectre d’une francophonie languissante.
Une francophonie qui nous est méconnaissable.
Boileau se désole qu’on ne lui rende pas son « bonjour ». Ni à Saint-Boniface, « même pas à Sudbury » ou à Batoche. « Serions-nous mal tombés ? Pas une fois ce n’est arrivé ! »
Et pourtant, il est là, le français, il est là.
« Il faut savoir où chercher ! » souligne la Franco-Albertaine Isabelle Laurin. « Ma vie à Edmonton, je la vis à plus de 90% en français. »
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Moi too à Sudbury, dans le nord de l’Ontario. Et pour plusieurs au Manitoba, en Acadie, en Saskatchewan, et partout ailleurs au Canada franco. Nous sommes des centaines de milliers à faire vivre le français hors Québec.
« On nous reproche de n’être pas « comme les Québécois » souligne le Franco-Ontarien André Bilodeau. « Comme s’il ne pouvait exister une autre façon de vivre sa langue. »
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« Le français en milieu minoritaire se vit davantage dans les réseaux communautaires et les lieux de rassemblement francophones qu’au magasin du coin », poursuit le Franco-Ontarien Serge Quinty. « Le français se vit différemment qu’au Québec et ça prend beaucoup d’engagement… mais il se vit. »
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Ce dévouement à notre cause, Boileau le note d’ailleurs, s’interrogeant si les francophones hors Québec peuvent « arriver à vivre sans avoir à constamment penser à leur identité? N’y a-t-il manière pour eux d’exister au quotidien qu’en se battant ou bien en développant leurs propres réseaux ? »
Non.
L’avenir appartient à ceux qui luttent, comme on le dit en Ontario français.
Nous portons en nous la fougue de nos aïeux et aïeules. Ceux et celles qui se sont révoltés contre le Règlement 17. Qui ont alimenté nos sociétés secrètes, nos caisses populaires, et nos journaux. Qui sont montés aux barricades à Sturgeon Falls et à Penetanguishene. Qui ont crié SOS Montfort. Et organisé la Résistance après le Jeudi Noir.
La lutte est notre force vive.
Nous, le Rest of Canada, restons rebelles – francos, fiers et féroces – des sociétés distinctes du Québec. Nous vivons notre langue, épris par la beauté brute de notre unique parler, inspirés par nos propres artistes, intellectuels et activistes, habités par la réalité de ce que c’est d’être Franco minoritaire, préoccupés par nos universités et nos écoles, par la pénurie d’immigration francophone envers nos provinces, et la modernisation de la Loi sur les langues officielles.
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« Une solidarité serait plutôt bienvenue », souligne la Franco-Ontarienne Adeline Jérôme. En attente de cette fraternité, Nous sommes, Nous serons dans le firmament de la francophonie canadienne avec nos accents distincts, nos voyelles écrasées et nos R roulants.
Obstinés, fiers, déterminés – vivant notre langue avec courage.
Avec espoir.
“Il est là, le français, il est là”
A Franco-Ontarian response to Josée Boileau
It’s déjà vue for those among us who live between the maple and the fleur de lys.
If we are those “English Canada forgot,” we are also the ones of whom Quebec has misgivings. We are René Lévesque’s «dead ducks». Yves Beauchemin’s “cadavres encore chauds,” the warm dead bodies of Canada’s francophonie. Denise Bombardier’s “disappeared.”
Our societies lost, drowned and assimilated into English-speaking Canada, incapable of our own salvation.
“Il est où le français, il est où?” Where is all the French? Where is it? A question posed by journalist Josée Boileau for L’actualité magazine, in search of the French fact during her recent foray into the Rest of Canada. “In this summer of crowded airports, I chose to “hop in my tank” to cross Canada to the west, wondering how far I would cross the Canadian “Francophonie”…”
Our Francophonie in quotation marks. Shouted down through punctuation. Our cities, our communities, our landscapes “where the French presence is otherwise very discreet, if not non-existent”, the specter of a languishing Francophonie.
A francophonie that is unrecognizable to us.
Boileau is disappointed that her “bonjour” was not met with French. Not in St. Boniface, “not even in Sudbury,” or in Batoche. “Were we unlucky? Not once did it happen!”
Il est là, le français, il est là. It’s here.
“You have to know where to look!” says Franco-Albertan Isabelle Laurin. “My life in Edmonton is more than 90% French.”
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Moi too in Sudbury, in northern Ontario. And for many in Manitoba, Acadie, Saskatchewan, and across French-speaking Canada. And we are many – hundreds of thousands of us live in French outside Quebec.
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“We are criticized for not being “like Quebecers,” stresses Franco-Ontarian André Bilodeau. “As if there was no other way to live your language.”
“Francophones in minority communities live more in community networks and gathering places than at the corner store,” continues Serge Quinty, a Franco-Ontarian. “French is lived differently than in Quebec and it takes a lot of commitment…but we live our language.”
Boileau notes this dedication to our cause, asking whether francophones outside Quebec can “manage to live without having to constantly think about their identity? Is there a way for them to exist on a daily basis only by fighting or by developing their own networks?”
No.
L’avenir est à ceux qui luttent – the future belongs to those who fight, as we say in French-speaking Ontario.
We carry within us the fight of those who came before us. Those who rebelled against Regulation 17. Who built our secret societies, our caisses populaires, and our newspapers. Who gave us our schools in Sturgeon Falls and Penetanguishene. Who cried out during SOS Montfort. And organized the Resistance after Black Thursday.
The fight is our life force.
We, the Rest of Canada, remain rebels – francos, fiers and fierce – distinct societies in Quebec. We live our language, at home in the raw beauty of our unique parler, or speak, inspired by our own artists, intellectuals and activists, preoccupied by the reality of what it is to be living as a Franco-minority, concerned about the future of our universities and schools, the perilous shortage of francophone immigration to our provinces and the modernization of the Official Languages Act.
“We would welcome solidarity,” underscores Franco-Ontarian Adeline Jérôme. In the hopes of this solidarity, Nous sommes, Nous serons in the firmament of Canada’s francophonie, with our distinct accents, our crushed vowels and our rolling R’s.
Stubborn, proud, determined – living our language with courage.
With hope.