La francophonie rencontre la francophobie à l’enquête sur la Loi sur les mesures d’urgence | Francophonie meets francophobia at the Emergencies Act inquiry
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La francophonie rencontre la francophobie à l’enquête sur la Loi sur les mesures d’urgence
« English is always first. »
L’anglais, première langue officielle. Même dans le cabinet d’un ancien premier ministre québécois et canadien-français qui parlait un anglais “à peine compréhensible.”
Une leçon donnée par un collègue francophone anglophone en tant que jeune Franco-Ontarienne lors de mes premiers balbutiements sur la colline parlementaire en 2002, pendant les douze derniers mois du mandat de Jean Chrétien. Il m’apprendrait à étiqueter les communications officielles avec l’avertissement important : Le français suit.
English is always first. Le français suit.
Ma langue, mise à sa place. En tandem, la curieuse et inquiétante absence des langues des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Une manifestations de la troublante hiérarchie linguistique au Canada, emblématique de l’histoire coloniale de ce pays.
L’homme invisible « a besoin d'un pays », écrivait l’auteur franco-ontarien Patrice Desbiens. Ce pays « le laisse tomber. » Dépossédé, déraciné, errant, L’homme invisible/The Invisible Man n’a pas sa place – sa langue non plus.
Comme Mathieu Fleury.
La semaine dernière, le conseiller municipal sortant (Rideau-Vanier) a fait l’objet de manchettes après un moment viral lors de la commission d’enquête sur l’état d’urgence par le gouvernement fédéral. Après avoir témoigné en anglais au fil des heures, le Franco-Ontarien s’est prononcé en français lorsque Brendan Miller, avocat des organisateurs du convoi, a demandé au politicien franco-ontarien de définir le terme « microagressions ».
« Je suis francophone », a répondu Fleury en français. « Donc, si vous voulez être spécifiques sur les mots, va falloir que vous me demandez en français. Ma connaissance de la terminologie en anglais est peut-être inappropriée. »
« Je m’appelle Brendan », a répondu Brendan Miller à l'esclaffement de certains dans la salle. L'ironie, oui?
« C’est drôle, mais ce n’est pas drôle », intervint Fleury avec beaucoup de dignité. « Je fais de mon mieux pour répondre à des questions claires en anglais. »
Mais nous sommes dans « Official Ottawa ». En Ontario. Au Canada. Dans le pays de l’homme invisible. Fleury devrait parler anglais. Pourquoi il ne parle pas anglais ? Comment ose-t-il ne pas parler anglais ?
« On a devant nous un exemple flagrant d'anglonormativité et une illustration de l'inégalité fondamentale de nos deux langues officielles », a déclaré Liane Roy de la Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA).
Oui.
« Les francophones doivent pouvoir s’exprimer dans leur langue maternelle », a tweeté Catherine McKenney par solidarité. McKenney, qui siège également au conseil municipal d’Ottawa (Somerset), a conseillé Fleury de répondre aux questions de Miller en français, serait par la suite attaqué pour son soutien de la francophonie par des conspirateurs francophobes qui ont vu l’utilisation du français à l’enquête comme suspect, duplicite et fondamentalement irrespectueux. Coup de théâtre, cet épisode a été un puissant rappel que plus ça change, plus l’anglais passe en premier. Le français, en deuxième. Toujours.
« Je suis francophone », a déclaré Fleury dans une expression de résistance. Une affirmation qui dit notre vérité. Qui fait passer le français en premier. Une réponse stéréophonique à l’anglais, qui exige qu’on ne se soit pas lost in translation.
Les francophones doivent prendre « notre place, toute notre place – pis sans demander la permission. »
Pour nier notre invisibilité. Pour réclamer notre langue.
Pour dire : voilà qui nous sommes.
Francophonie meets francophobia at the Emergencies Act inquiry
Isabelle Bourgeault-Tassé is a Franco-Ontarian writer. She publishes at La Tourtière.
“English is always first.”
The first of two official languages. Even in the office of a former French-Canadian Québécois Prime Minister of Canada. One who spoke “barely-comprehensible English.”
It was a lesson imparted on me as a young Franco-Ontarian upstart on Parliament Hill in 2002, during the final twelve months of Jean Chrétien’s mandate, by a French-speaking anglophone colleague. They would teach me to label official communications with the important disclaimer: Le français suit.
English is always first. The French follows.
My tongue, put in its place. In tandem with the curious, disquieting absence of First Nations, Inuit, and Métis languages. Both manifestations of Canada’s troubling linguistic pecking order, emblematic of the country’s colonial history.
“The invisible man had a country. Now he can't even remember its name,” once wrote Franco-Ontarian author Patrice Desbiens. Dispossessed, uprooted, errant, L’homme invisible/The Invisible Man does not belong – nor does his tongue.
Like Mathieu Fleury.
Last week, the outgoing Ottawa councilor for Rideau-Vanier made headlines in a viral moment at the inquiry into the federal government’s use of the Emergencies Act. After hours of testifying in English, the Franco-Ontarian politician was asked by Brendan Miller, lawyer for convoy organizers, to define the term “microaggressions.”
“I’m Francophone,” Fleury responded in French. “So if you want to be specific on words, you’ll have to ask me in French. My knowledge of terminology in English might be inappropriate.”
“Je m’appelle Brendan,” quipped Brendan Miller in response, to laughter in the room. L'ironie, oui?
“It is funny, but it’s not,” Fleury interjected with great dignity. “I’m doing my very best to answer clear questions in English.”
But we are in “official Ottawa.” In Ontario. In Canada. In the country of l’homme invisible. Fleury should speak English. Why won’t he speak English? How dare he not speak English?
“We have before us a flagrant example of anglonormativity and an illustration of the fundamental inequality of our two official languages,” said Liane Roy of the Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA).
Oui.
“Francophones must be able to speak in their first language,” tweeted fellow councilor Catherine McKenney out of solidarity. McKenney, who advised Fleury to respond to Miller’s questions in French, was attacked for their allyship by francophobic conspiracists who saw the use of French at the inquiry as suspect, duplicitous, secretive, and fundamentally disrespectful. A coup de théâtre, this episode was a powerful reminder that plus ça change, the more English continues to come first. French second. Always.
“Je suis Francophone,” said Fleury in a utterance of résistance. An affirmation that speaks our truth. One that puts French first. A stereophonic response to English, one that demands that we not be allowed to be lost in translation.
Francophones must take “notre place, toute notre place – pis sans demander la permission.” To take our place, all our space – without asking permission.
To lean out of our invisibility. To claim our tongue.
To say: this is who we are.
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