La Presse : Sabrer le financement de CBC étoufferait les histoires de notre nation
Une perspective de l’arrière-pays franco-ontarien
À lire dans La Presse
Mon enfance a été bercée par Radio-Canada et CBC.
Bébé bilinguish franco-ontarien, j’ai basculé entre le français et l’anglais, fille des Solitudes, ce silence assourdissant qui fait écho entre les peuples de ce pays.
Enfant, je chantais Passe-Partout et Mr. Dressup, émissions qui allaient céder la place aux drames angoissés de Watatatow et de Degrassi. Jeune adulte, je devenais femme de conscience grâce aux merveilles scientifiques présentées par Charles Tysseyre et David Suzuki, aux explications d’un monde en ébullition de Céline Galipeau et d’Adrienne Arsenault, et à la sagesse de présentateurs de confiance comme Bernard Derome et Peter Mansbridge.
Il était donc peut-être inévitable que l’infomaniaque en herbe que j’étais poursuive son désir de raconter des histoires en faisant carrière dans les relations publiques, œuvrant en étroite collaboration avec des journalistes, y compris les jeunes étoiles montantes et éminences grises de Radio-Canada et de CBC.
Puis, au printemps 2023, Radio-Canada à Sudbury m’invitait à me joindre à son équipe. En une brève et merveilleuse aventure, j’ai œuvré auprès des équipes des émissions Jonction 11-17 et Le matin du Nord, soutenant la réalisation de reportages et d’entrevues uniques au nord de l’Ontario. J’ai entre autres mis en lumière ce que c’est que d’être une jeune drag queen de Sturgeon Falls, exploré l’impact de la Loi sur les nouvelles en ligne sur le journalisme francophone à Sudbury, et fait le bilan la montée de la faim au sein des communautés des Premières Nations de l’île Manitoulin.
Ces récits sont importants. Peu importe que ce soit Radio-Canada ou CBC qui les proposent.
Et pourtant, « I can’t wait to defund the CBC », a récemment déclaré le chef du Parti conservateur Pierre Poilièvre sur X (anciennement Twitter) en réaction à la décision du conseil d’administration de CBC et de Radio-Canada d’approuver des primes pour certains employés1, quelques mois seulement après que 141 employés aient perdu leur emploi et que 205 postes vacants ont été supprimés.
La Ceebs sur la sellette. Mais pas Rad-Can, comme Poilièvre l’affirmait récemment.
« Je préserverais une petite quantité du financement pour les minorités francophones », a-t-il déclaré en 2023. « Parce que, franchement, elles ne profiteront pas des services d’information fournis par le marché ».
Oui.
Cependant, ici, dans la Nickel City, loin de Montréal et de Toronto, les journalistes de CBC et de Radio-Canada ont longtemps travaillé ensemble, faisait fi des Solitudes, indivisibles, échangeant leurs idées de reportages, leurs sources et leur expertise dans la salle de nouvelles.
Qu’il s’agisse des retombées d’une enquête bouleversante sur des décennies d’abus sexuels commis par le clergé catholique à Hearst2, de la rétrospective nostalgique imprégnée de cannabis d’une jeune icône franco-ontarienne pendant la crise d’Octobre de 19703 ou des ravages de la crise actuelle des opioïdes dans les communautés du nord de l’Ontario4, CBC et Radio-Canada nous ont montré les façons dont nous sommes profondément liés – et parfois inextricablement polarisés – en tant que communautés dans le nord de l’Ontario.
« CBC/Radio-Canada a été fondée en 1936 pour contrer l’influence croissante de la radio américaine sur les ondes canadiennes, et elle est rapidement devenue le fil qui nous relie tous, en particulier pour les habitants des régions rurales du pays », a récemment déclaré Guy Fellicella, expert en réduction des risques et en rétablissement des toxicomanies, sur X. « La suppression de son financement ne porte pas seulement atteinte à la culture canadienne et ne permet pas à un grand nombre de nos histoires d’être racontées, mais elle privera également près de 7000 personnes de leur emploi ».
Oui.
Alors que nos dirigeants politiques débattent de l’avenir du radiodiffuseur national, rappelons que CBC et Radio-Canada amplifient les voix de nos communautés, jouant un rôle essentiel en favorisant la compréhension, l’unité et la citoyenneté éclairée dans tout le pays.
Car si nous sommes locaux, nous sommes aussi nationaux.
Et la suppression du financement de CBC ne ferait pas que réduire au silence notre radiodiffuseur national : elle étoufferait les histoires qui font de nous une nation.
Excellent article, félicitations! Un seul désappointement, l’article n’est pas dans mon édition de La Presse!!! En fouillant un peu, j’ai trouvé dans un coin numérique pour “d’autres opinions”. Mais le lien que ton blog offre s’y rend directement. Dommage car ton article d’opinion devrait être lu par beaucoup plus de gens…
Hi Isabelle.
Still a little rusty reading my French. Do I understand this correctly -- the CBC budget woes/decisions are/will exclude francophone stories?